(Avenir
d'Arcachon N° 2901, 2902, 2903, 2904, 2906 et 2914 de l'année
1908)
Le
Grand-Hôtel d'Arcachon, construit en 1866 au coin
du boulevard de la Plage et de la rue du Casino, sous les
ordres de M. Léon Lesca, était un établissement
quadrangulaire de proportions grandioses. On y accédait
par un escalier monumental. Le rez-de-chaussée comprenait
un hall mesurant 22 mètres sur 10, 8 mètres
de haut ; à droite, un salon-restaurant d'été
dans une galerie vitrée donnant sur la mer mesurant
12 mètres sur 24 ; à gauche un salon des dames
et de lecture long de plus de 20 mètres ; deux appartements
avec chambres, salon et vestibule ; un jardin à l'ouest
avec lawn-tennis et garage ; au nord, une vaste terrasse
avançant sur le Bassin et où souvent s'est
tenu le jury des régates.
Cet hôtel, un des plus beaux du Sud-Ouest, comprenait
300 chambres desservies par un ascenseur et éclairées
à l'électricité.
Il fut successivement dirigé par M. Van Hymbeeck,
directeur du Grand-Hôtel à Paris, puis par
M. Lubcke et enfin par M. Ferras.
Nous voudrions énumérer ici les étrangers
de distinction qui y descendirent.
(….)
Dans la nuit du jeudi au vendredi 21 septembre, le feu s'est
déclaré au Grand-Hôtel et l'a complètement
détruit. vers 2 heures du matin, le feu se déclarait
dans une pièce inoccupée, aile de l'Est, au
premier étage. L'eau et le sevice d'incendie de la
Ville fit défaut. Tous les voyageurs furent sauvés.
A 4 heures du matin, tout le Grand-Hôtel n'était
plus qu'un amas de décombres.
Il avait duré 40 ans (voir l'avenir d'Arcachon numéro
du 23 septembre 1906 *)
On lisait dernièrement dans le journal de M. Veyrier-Montagnères
qu'un projet de reconstruction du Grand-Hôtel est
étudié par la Société de construction
des Grands Hôtels Européens qui serait chargée
de cet important travail.
Le nouvel établissement, édifié et
aménagé à la moderne, serait exploité
par M. J…, propriétaire de deux hôtels,
l'un à Biarritz, l'autre à Saint-Sébastien.
(...)
Après
avoir fait l'historique du Grand-Hôtel depuis 1866,
année de sa fondation, il est tout naturel d'exposer
la situation présente, et, pour assurer son avenir,
auquel la prospérité même d'Arcachon
est étroitement attachée, de parler de la
Société du Grand-Hôtel d'Arcachon.
Le Propriétaire du Grand-Hôtel d'Arcachon (qui
a été incendié en septembre 1906),
consent à apporter le terrain d'une superficie de
6.000 mètres environ et les constructions qui subsistent,
moyennant 250.000 francs, payables moitié en actions
entièrement libérées et moitié
en obligations, donnant ainsi une preuve de sa confiance
dans l'avenir d'Arcachon et dans la prospérité
de l'hôtel, qui doit s'élever au lieu et place
de celui qui a été détruit par l'incendie.
Ce prix de 250.000 franc est très avantageux, si
on considère que la future société
sera propriétaire, non seulement du terrain estimé
à 50 fr. le mètre, mais encore des grilles,
murs et terrasses ayant une valeur d'autant plus appréciable
qu'ils auront encore, en grande partie, leur utilisation
dans le nouvel hôtel.
Cet hôtel, qu'on se propose de construire, sera de
premier ordre avec tout le confort moderne et comprendra
environ 120 chambres de maîtres et de courriers, une
magnifique terrasse sur le Bassin.
Comme nous l'avons dit, le Directeur en sera M. Journeau,
propriétaire de l'Hôtel du Palais à
Saint-Sébastien et Directeur de l'Hôtel Régina
à Biarritz.
Nous ne nous étendrons pas sur le projet financier
: capital actions 600.000 francs, capital obligations 600.000
francs, qui auront l'emploi suivant : actions d'apport entièrement
libérées et obligations remises au propriétaire
de l'Hôtel : 250.000 francs ; travaux de construction
et aménagement 900.000 francs ; frais de constitution
de Société et imprévus 50.000 francs
; total égal : Un million deux cent mille francs.
Le Directeur locataire assure un mobilier de 300.000 francs,
moyennant un bail de 30 ans, avec loyer gradué de
30.000 à 65.000 francs.
D'après les prévisions de l'architecte, les
travaux commenceront en septembre 1908 pour être terminés
le 15 juillet 1909.
Tel est, en ce qui peut intéresser le public, le
résumé des Statuts de la Société
du Grand-Hôtel d'Arcachon.
La notice en a paru au bulletin annexe du Journal Officiel
du 3 août 1908, conformément à l'art.
3 de la Loi de finances du 3 janvier 1907, et statuts déposés
chez Me Motelay, notaire à Bordeaux, le 31 juillet
1908. Ils sont signés H. Martinet, 129, rue du Faubourg
Saint-Honoré, Paris.
(…)
Les habitants du quartier central arcachonnais, du boulevard
de la Plage, de la rue du Casino, ont fait des réunions
et des pétitions nombreuses pour qu'en prévision
de la reconstruction du Grand-Hôtel une place fut
ouverte dans ses abords ; de belles promesses leur ont même
été données.
Heureusement qu'il existe dans notre pays des intelligences
éclairées, des cœurs dévoués
et généreux, des influences puissantes, des
activités alertes et précieuses qui se sont
fait un devoir de réparer les ruines d'un moment,
de restaurer les anciennes magnificences, de faire appel
au patriotisme local, de relever les courages, et de prendre
hautement en main la sauvegarde des intérêts
généraux et de la fortune publique. Nous les
en remercions au nom de la cité d'Arcachon.
Pour que notre ville reprenne un nouvel essor, pour qu'elle
retrouve une prospérité que lui a ravi un
cas fortuit, il importe que tous et chacun mette la main
à l'œuvre, et contribue largement, sans hésitation
comme sans reculade, par un concours financier, effectif,
universel, à la reconstruction si impatiemment attendue.
Assez longtemps une cruelle expérience a démontré
aux propriétaires fonciers qui ne veulent pas voir
diminuer la valeur immobilière de leurs villas, pas
plus que leurs locations faiblir ; à tous les corps
de métiers dont les travaux, et partant les bénéfices,
s'étaient tout-à-coup réduits ; qu'Arcachon
ne pouvait se passer du Grand-Hôtel.
Cet établissement unique en son genre, aussi bien
que le Palais Mauresque son vis-à-vis naturel, ne
constituent-ils pas, pour les vieux arcachonnais, le double
fleuron de nos gloires passées, de notre esthétique
urbaine, et de nos richesses artistiques et citadines.
C'est donc joyeux et consolés que nous avons appris
la constitution de la Société du Grand-Hôtel
qui procède actuellement à l'émission
de ses actions représentant un capital de 600.000
fr. divisé en 1.200 actions de 500 fr. sur lesquelles
le premier quart seulement, soit 125 francs, est exigible
en souscrivant.
Le succès de cette émission est d'ores et
déjà assuré. Outre que cette affaire
se présente dans des conditions d'honorabilité
et de sécurité absolues, sous des patronages
tellement accrédités qu'aucune émission
financière ne saurait être plus sérieuse,
ni étayée par de plus sûres garanties
; l'accueil spontané et enthousiaste fait à
son premier appel, la rapide constitution des plus gros
chiffres de son capital, assurent la réussite certaine
et la prochaine réalisation du but poursuivi.
On peut d'ailleurs constater qu'en dehors des puissantes
souscriptions qui assurent le triomphe de la mise en marché
de la Société du Grand-Hôtel, les promoteurs
ont eu l'ingénieuse idée d'inviter le commerce
local à s'intéresser à la prospérité
du futur grand établissement.
Les propriétaires comme les négociants l'ont
compris, et dans un élan commun, répondent
avec empressement aux propositions qui leurs sont faites,
et souscrivent dans la mesure de leurs moyens aux actions
de la Société.
C'est un bon exemple de solidarité industrielle et
locale, qui non seulement affirme ces heureux débuts
mais permet d'envisager l'avenir avec confiance et certitude.
Nous ne savons si un délai est imparti à cette
émission, mais à en juger par les résultats
déjà obtenus, celle-ci ne tardera pas à
être close ; on entrera alors dans la deuxième
phase ou établissement de la construction.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant des projets de plans
et devis.
E. G.
Comme
nous tenons à insérer tout ce qui intéresse
le Grand-Hôtel, nous reproduisons ci-dessous l'article
de notre confrère Arcachon-Journal :
La
population commençait à être inquiète
au sujet de la reconstruction du Grand-Hôtel. Les
soi-disant bien renseignés prétendaient qu'au
1er octobre on verrait une équipe d'ouvriers travaillant
avec ardeur à la démolition des ruines existant,
mais comme sœur Anne, on a rien vu venir. Allons, pensait-on,
le sort en est jeté : Arcachon restera sans Grand-Hôtel.
Eh bien, non ! Arcachon aura son Grand-Hôtel, car
une Société anonyme vient de se créer
et l'homme qui s'est mis résolument à la tête
du mouvement est trop actif, trop intelligent et trop résolu
pour ne pas arriver au but qu'il poursuit, brisant même
les obstacles que l'on pourrait semer sur sa route.
Nous devons ajouter qu'il est puissamment secondé
par des personnalités qui, spontanément, lui
ont promis leur concours pécuniaire, montrant ainsi,
dans un élan commun, leur désir de voir prospérer
notre chère cité.
Mais que ceux qui nous lisent ne croient par que le maire
d'Arcachon, celui qui devrait cependant être le premier
à encourager une telle entreprise, fasse partie de
la combinaison. Non : si nous devons nous en rapporter à
divers renseignements qui nous sont parvenus, il aurait
tout simplement cherché à entraver l'affaire.
D'ailleurs nous aurons probablement l'occasion de nous expliquer
plus clairement. Constatons simplement que son objectif
est toujours et quand même Moulleau, ce qui n'étonnera
personne.
Il est donc du devoir de tous de favoriser l'émission
lancée, en souscrivant les parts que leur situation
financière permet. On ne doit pas rester indifférent
en présence d'une entreprise qui assurera désormais
une aisance dans divers jadis prospères et aujourd'hui
bien délaissé et qui, par conséquent,
végètent.
On nous objectera peut-être que, puisqu'il y a des
gens riches à la tête, ils pourraient bien
faire édifier l'immeuble avec leurs propres ressources,
le capital nécessaire n'étant que de 600.000
fr., somme relativement peu élevée. Ceux qui
tiendraient ce raisonnement montreraient une étroitesse
d'esprit indigne d'arcachonnais. Les premiers souscripteurs
ont voulu au contraire que le commerce local put contribuer
à la chose et nous ne doutons pas que leur idée
généreuse soit comprise.
Nous avons un maire qui draina l'argent des contribuables
à Moulleau : il faut réagir et se défendre,
et opposer à ses procédés administratifs
scandaleux une barrière qu'il n'arrivera jamais à
briser.
D'ores et déjà on peut souscrire sans frais
chez M. Emile Lecoq, banquier, qui fournira les éléments
nécessaires.
Allons, arcachonnais, un moyen se présente de relever
notre station, unissons-nous pour faire triompher l'œuvre
généreuse de citoyens qui méritent
notre reconnaissance, et qui sont, eux, les véritables
amis d'Arcachon.
Jules FILLOU