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La presse sur les traces de la Reine Ranavalo

La presse people du XXIème siècle n'a rien inventé: les célébrités, même mineures, étaient déjà livrées en pâture aux lecteurs des journaux au début du XXème..

La presse d'Arcachon ne fait pas exception qui va construire un véritable feuilleton autour de la visite de l'ex-reine de Madagascar en juillet 1901; rien ne manque pour attirer le lecteur, qui pourra suivre quasiment pas à pas la visite de Ranavalo à Arcachon. Le journaliste règle aussi ses comptes avec le maire de l'époque James Veyrier-Montagnères, et ne manque pas de souligner que "la villégiature royale s'effectuerait en juillet, alors que nous serons dans le feu des élections (...)"

On n'est certes plus au temps de Louis XIV et du Masque de fer mais vous pourrez aussi voir l'avis d'un "éminent constitutionnaliste" sur les effets du mariage sur le statut de l'ex-reine: elle restera déposée et exilée, à Alger... L'Etat a ses raisons...

(Les textes que vous allez lire ont été collationnés aux archives d'Arcachon par Aimé Nouailhas. Merci à lui).

Tout commence par une fête organisée dans l'Ecole maternelle Engremy, où la directrice a manifestement entendu parlé de la déposition de la reine Ranavalo par le futur Maréchal Gallieni :

La reine a été exilée par le général Joseph-Simon Galliéni, futur maréchal de France, nommé en 1896 gouverneur général de Madagascar pour y mater une rebéllion. Avant que vous ne lisiez les péripéties du départ en exil de la reine, je vous recommande ce site pour découvrir son amant toulousain

UNE ÉPISODE DE L'HISTOIRE DE MADAGASCAR

RANAVALO EN EXIL

Le 3 mars 1897, à l'aube, Ranavalona Mpanaka lll franchissait pour la dernière fois la porte de son palais, Gallienien route pour l'exil. L'arme au pied, une compagnie de tirailleurs haoussas remplaçait ce jour là le cortège d'honneur et devait servir d'escorte jusqu'à Tamatave, tout le long du chemin peu sûr, si favorable aux embuscades et aux surprises.

Deux cents porteurs se partagent les colis royaux : malles géantes, coffrets de fer pleins de bijoux précieux. Les principaux personnages, dans cette interminable file qui au trot des bourjanes descend vers la côte, sont, avec la Reine, sa sœur Rasendranoro et la fille de celle-ci Razafinandriamanitra, "Enfant du Bon Dieu", puis le secrétaire intime, Ramanankirahina.

Les serviteurs sont rares, qui ont consenti à partager la disgrâce de leur maîtresse ; encore chaque étape marque-t-lle de nombreuses défections, chaque sentier libre à travers la brousse étant un prétexte à de lâches abandons, et Ranavalo en souffre profondément : "Les ingrats!... comme ils m'oublient vite!... "

La reineContre toute tentative d'enlèvement, les dispositions sont remarquablement conçues: on ne quitte un poste qu'après avoir reçu du suivant l'avis que la route est sûre. C'est qu'en effet si les Hovas, terrorisés par cette énergique mesure qui les frappe à la tête, ne sont vraisemblablement pas trop à craindre, par contre on a tout à redouter du dépit des colons mauriciens, propagateurs turbulents des sympathies anglaises dans l'île.

Mais, hâtons-nous de le constater, c'est sans incident fâcheux que l'on arriva à Tamatave, sept jours après le départ.
Dans une spacieuse villa bien gardée, la Reine et sa suite y attendront le navire de guerre, le " Sambo be " qui fera le reste de ce long chemin vers l'exil.

Dès le 10 au matin, celui-ci prend son mouillage, et aussitôt les bagages sont transportés à bord, ainsi que le personnel domestique; à la tombée de la nuit, c'est le tour des deux princesses et du secrétaire, et enfin vers neuf heures Ranavalo nous arrive aussi, habillée d'une toilette des plus riches, de soie beige avec ornements de perles.
On la conduit à l'appartement qui lui a été préparé - le salon du Commandant- et qu'elle partagera avec sa sœur et sa nièce.

Cette sœur est affublée d'un corsage rosé tendre et d'une jupe à traîne en satin vert La soeur de la reine pomme... Autant Ranavalo montre de goût et de bonnes manières, autant, par contre, l'énorme Rasedranoro nous apparaît grotesque, avec son luxe de mauvais aloi... Nous savons déjà, d'ailleurs, qu'elle est particulièrement mal élevée et sympathise tout spécialement avec les liqueurs fortes: aussi prend-on les mesures propres à éviter le spectacle peu digne d'une princesse en goguette...

Razafine, heureusement, ne ressemble point à son aimable mère. Drapant avec fierté ses flancs de fillette, alourdis par une maternité imminente, dans les plis du lamba national, elle est la seule parmi les exilés, dont le visage se soit sincèrement imprégné de mélancolie, à la pensée des vastes horizons de rizières ondoyantes à jamais perdus, et devant la nécessité d'abandonner cette multitude de petits cerfs-volants multicolores qu'elle aimait tant à lancer, du sommet des tours, à l'heure favorite du crépuscule, et dont les moindres mouvements, au hasard des brises, révélaient à son âme attendrie de très graves choses, selon la confiance inébranlable qu'elle y accordait...

Sur le pont, dans un coin, les serviteurs, quelque peu effrayés, se tassent en tremblant, et tout à fond de cale, M. Andrianaiavoravelona... (mon Dieu!...), pasteur protestant qui montra un zèle intempestif, voyagera aux fers...

A 6 heures, le lendemain matin, le "Lapérouse" appareille, en route vers Sainte-Marie, où il doit prendre Ramasindrazana, tante de la Reine, qui depuis plusieurs mois déjà expie là l'abondance de ses sentiments anglophiles.

Un trois mâtsLe roulis, assez ample, incommode fort tout ce monde peu marin; seule, Ranavalo se comporte à merveille, ce qui la rend peu charitable à l'égard de ceux que la douleur courbe par dessus le bastingage. Un poisson volant, la crête d'une lame qui déferle, un rien, suffisent à l'étonner; et aussi ce sont des questions incessantes, auxquelles ce pauvre Ramanankirahina, entre deux nausées, répond tant bien que mal.

Ce "ministre intime " est en effet le personnage instruit de la bande, étant revenu d'un long séjour à Paris avec une connaissance parfaite de la langue française et un double petit talent d'aquarelliste et d'architecte qui lui avait valu le ruban violet...

Il pleut, et quelle pluie ! Cette pluie tropicale qui tombe par nappes denses et lourdes à faire mal aux épaules.
Et cependant, au moment où nous arrivons en rade de Sainte-Marie, le soleil, toujours âpre à prendre sa revanche, dans ces contrées, se montre, accablant, même pour les indigènes que nous apercevons étendus en grand, nombre en des poses lasses, sous la voûte épaisse des manguiers qui longent la mer. du côté d'Amboudi-fotsy.

Les arbres de cette avenue, plantés là par les premiers Français qui s'établirent dans l'île, ont atteint des proportions colossales et font songer aux vieilles châtaigneraies du Poitou... Et pourtant, quel délabrement dans ces pauvres villages du littoral, qu'abandonnent d'ailleurs de plus en plus leurs rares habitants, pour aller chercher un peu de travail et quelques ressources sur la grande Terre, à Tamatave ou à Majunga!

Sur une colline qui domine la rade on avait construit autrefois un fortin, où étaient Médaille représentant la reine, frappée  en 1895internés au moment de notre passage quelques princes comoriens, et où Ramasindrazana, aussi, subissait sa peine. Bientôt elle nous arrive avec son bagage, composé modestement d'une dizaine d'énormes malles, et dès lors, maintenant au complet, il ne nous reste plus qu'à faire route vers le terme du voyage.

Et pour tous ces personnages, que nous transportons ainsi, nous n'avons que peu de sympathies assurément, sauf peut-être pour la Reine, plus mal conseillée que réellement hostile à la France; mais surtout pour la "Petite Princesse", comme nous avions appelé Razafime dès les premiers jours. Celle-là, nous l'aimions, même, mais comme on aime une poupée belle et fragile ; nous en étions venus jusqu'à nous disputer l'honneur d'essuyer d'une batiste la sueur qui ne manquait pas de perler au bout de son nez, alors qu'aux instants où le terrible mal de mer lui laissait quelque répit, elle s'escrimait à jouer sur notre vieux piano de bord des gigues et des quadrilles au rythme inconcevable.

Bref, les heures de traversée passèrent vite, pour nous, distraits de la monotonie coutumière par de tels hôtes, et pour eux, émerveillés sans cesse par les aspects changeants, la féerie toujours renouvelée de la mer que presque tous ils voyaient pour la première fois.

Le 14 au matin, le "Lapérouse" s'amarrait dans le Port des Galets, et on s'occupait tout de suite de commander un train spécial pour conduire la Reine à Saint-Denis, la capitale, si bien que le soir même tout ce monde était logé à l'hôtel pour quelques jours, en attendant qu'il fût pourvu de demeures définitives.

Marie-LouiseDès le lendemain, Razafinandriamanitra, profitant enfin du repos, le premier depuis le départ de Tananarive, donnait le jour à une fille que l'on baptisa à la cathédrale sous le nom de Marie-Louise.

Ranavalo fut installée dans une villa confortable et spacieuse où nous nous plaisions à la visiter souvent.

Un jour, comme je m'en revenais vers l'hôtel où la jeune maman demeurait encore, on me dit .brutalement qu'elle était au plus mal et refusait obstinément de prendre les médicaments indispensables.Sans doute s'imaginait-elle que nous étions, nous autres vazahas, comme ceux de sa race et traitions les prisonniers par l'épreuve du tanghin, ce poison violent qu'on administra si longtemps par les soins de la cour d'Ëmyrne et qui, à certaines époques, tua chaque année des milliers de personnes...

Toujours est-il que pour la tranquilliser je dus me dévouer et goûter avant elle à tous ces breuvages, qu'elle absorbait ensuite en toute confiance.

Mais tout fut inutile, car soudain, un soir, la vie de Razafine s'enfuit avec un flot de sang, et -cette mort nous consterna intimement, nous tous qui avions été pris au charme de tant de jeunesse attristée de tant de douleurs, déjà.

A la nuit, dans un cercueil trop court établi à la hâte, on. mit le frêle cadavre, après l'accomplissement ponctuel des vieilles traditions coutumières. Une piécette d'or fut glissée entre les dents serrées - le tribut à payer, qui sait? au sombre nautonier- l'annulaire s'orna de l'anneau des immortelles fiançailles; après quoi, serrées et enroulées dans de multiples lambas de soie violette, ces pauvres dépouilles prirent l'aspect d'un jouet d'enfant précieusement emballé, ficelé aux deux bouts d'un large ruban en fil d'or.

Pour que personne ne put reprocher à la France un mépris quelconque des rites traditionnels, si minutieux pour les Hovas, lorsqu'ils ont trait au culte des défunts, l'interprète, quand tout fut fini et la funèbre boîte clouée, s'adressant à tous, -esclaves et familiers accourus, proclama :
"Est-ce bien ainsi ? et les vazahas ont-ils agi conformément au cérémonial et aux coutumes ?"
- C'est bien ainsi !" répondirent les assistants en pleurs...
Une simple pierre blanche marque, au cimetière de Saint-Denis, la place de la "Petite fille.du Bon Dieu", une simple pierre avec cette courte épitaphe, éloquente,. à dire vrai, en sa brièveté :



PRINCESSE RAZAFINANDRIAMANITRA
(1882-1897).


La Reine et sa petite nièce, Marie LouiseAux côtés de Ranavalo qui l'élève avec un soin jaloux, Marie-Louise grandit, parée de tout le charme de ceux de son âge, avec, en plus, une physionomie plus réfléchie, où se devine parfois l'ardente nostalgie.

Et aussi bien la nature toujours reste maîtresse. On peut étonner l'ex-Reine par le grandiose spectacle de Paris qui l'acclame, mais sans parvenir jamais à étouffer les réminiscences chères, celles qui lui font revivre les temps heureux et les triomphes d'antan, de telle sorte qu'auprès de sa pupille les meilleures heures passées sont à coup sûr celles consacrées aux entretiens intimes, où elle lui parle du pays et lui enseigne son étonnante histoire...

PIERRE DE KADORE

Dans le Magasin Pittoresque 1901, (Bibliothèque nationale de France)

 

 

 

Une pièce de théâtre en 1896

Fête Enfantine du 8 mars 1896

Ecole Maternelle Engremy - Voici le programme de cette fête :
Première partie.
1. Harmonie ;
(…)
5. Les rapatriés de Madagascar ou la reine Ranavalo à Arcachon, opérette en un acte et quatre tableaux : soldats, marins, parqueurs, dames de la Croix-Rouge ; Danses et orchestres malgaches ; musique militaire ; Apothéose : 58 enfants costumés, de 4 à 6 ans.

Deuxième partie

(Avenir d'Arcachon N° 2305 du 01/03/1896)

Fête enfantine - La neuvième fête annuelle, offerte dimanche dernier au Grand-Théâtre par la Société de patronage des Ecoles communales laïques d'Arcachon, a eu un succès sans précédent, comme exécution du programme, comme concours du public, et partant, comme résultat du chiffre d'entrées.
Les trois principales comédies ont été interprétées d'une façon charmante.
Les Rapatriés de Madagascar font honneur à l'infatigable patience et au très intelligent dévouement de Mlle Roumagnac.

En somme, charmante après-midi, bien supérieure à ce qu'on avait fait jusqu'à ce jour. La population l'a compris en se rendant en foule à l'appel du Comité.
Nous citerons dans le public : M. Migné, inspecteur primaire, qui était venu de Bordeaux honorer cette fête de sa présence : M. le Maire et sa famille, M. le général Bourdillon, etc., etc.

(Avenir d'Arcachon N° 2307 du 15/03/1896

Journal

FÊTE DES ÉCOLES !
(...)

Nous voilà enfin arrivés à la fameuse pièce si impatiemment attendue "Les rapatriés de
Madagascar ou la Reine Ranavalo à Arcachon".
Quel spectacle délicieux que tout ce petit monde dont les plus âgés ont six ans à peine et les plus jeunes n'ont pas trois ans, récitant, chantant avec l'aisance de la scène comme de vrais comédiens. On applaudit les dames de la Croix rouge (...) confectionnant des pansements pour les blessés, les parqueuses (...) tour à tour ballerines, et chanteuses. Puis arrive le défilé du corps expéditionnaire commandé par le colonel Engrémy (...), celui des officiers et des marins a la belle allure. Enfin, Ranavalo, sous les traits de la mignonnette Paule Boisserie, fait son entrée triomphale acclamée par le peuple et les soldats.La pièce se termine par une apothéose d'un effet saisissant. Cette oeuvre charmante est faite dans le goût nouveau. Par les récits, et
les chants se rapprochant de l'épopée, par le lyrisme, et de la féerie, par les danses de la trai
mise en scène.
(...)

Arcachon-Saison, 12-18 mars 1896

1901 : Viendra, viendra pas ?

Visite princière - On lit dans le journal Le Matin, du 12 mai : Le voyage de l'ex-reine de Madagascar est définitivement décidé. Ranavalo quittera Alger le 27 de ce mois et arrivera à Paris deux ou trois jours après.
La durée de son séjour à Paris ne sera que d'un mois environ, après quoi elle ira passer quelques semaines à Arcachon.

(Avenir d'Arcachon N° 2528 du 19/05/1901)

Plusieurs journaux ont annoncé que la reine Ranavalo irait à Royan. Le Matin a dit à Arcachon. L'Union Républicaine avec un grand U, annonce que M. Veyrier-Montagnères a fait de vives instances auprès de M. Decrais pour obtenir cette visite sensationnelle.
Est-ce bien vrai, cette blague-là ? Ce qui est sûr, c'est que des instances ont été faites (pas par M. Veyrier-Montagnères tout seul au moins), pour qu'on mit à la disposition de la reine Ranavalo une villa digne d'être offerte à une personnalité de marque.
La reine viendra ou ne viendra pas.
Espérons qu'elle viendra.
Qui veut trop prouver, ne prouve rien.

(Avenir d'Arcachon N° 2529 du 26/05/1901)

 

Une petite reine en exil, dans quelques jours, recevra l'hospitalité de Paris… et d'Arcachon, ajoute-t-on… S. M. Ranavalo - ou plus exactement Ranavalomanjaka - va satisfaire l'une de ses plus chers désirs en venant en France. Elle ne passera pas inaperçue : sa physionomie est à souhait pour piquer la curiosité de la foule. Elle est exotique; on lui prête des romans; elle fut malheureuse et elle est prisonnière.
L'Algérie n'est pas douce aux souverains détrônés. Terre conquise, elle a le mépris des vaincus. Lorsque la reine déchue arriva de Madagascar à Marseille, elle trouva dans la grande cité phocéenne un accueil sympathique. On vanta sa bonne grâce, sa beauté et sa mignardise. Elle entra à Alger précédée de ces références. Une foule de trente mille personnes massée depuis le ponton de la Cie Transatlantique jusqu'au square Bresson, le long des quais, des rampes et du boulevard de la République, l'attendait par un soleil superbe. Quand elle parut au bras du commandant Reibell, la curiosité aussitôt s'accusa hostile.
Alger, ce n'est pas Marseille, Alger a l'habitude des moricauds; Alger les traite comme ils le méritent. Les élégantes firent la moue. Quelle toilette ! Autant un singe habillé. Et quelle tournure : petite, le visage carré, le nez épaté, les yeux fuyants, l'air en dessous. Et tout de suite, nos colons, à qui n'imposent pas les gens de couleur, de considérer que le général Gallieni avait bien fait de se débarrasser de cette créature, une femme, à n'en pas douter, hypocrite et tenace, dangereuse, et qu'on ferait bien de surveiller.
(...)

Ranavalo, l'ex-reine de Madagascar est arrivée à Marseille le 29 mai, à une heure quarante-cinq, par le Général Chanzy, de la Compagnie Transatlantique. Elle était accompagné de Ramazindrazana, sa tante, de la petite princesse Marie-Louise, sa nièce ; de Mme Delpeux, sa dame de compagnie, et d'une femme de chambre.
M. Louis Lemaire, délégué du ministre des colonies, est venu la recevoir à l'arrivée du navire.
(...)
M. Ranaïvo, qui est sur le point de terminer à Paris ses études de doctorat en médecine, et qui restera, ainsi que M. Lemaire, attaché à la personne de la reine pendant son séjour en France, servait d'interprète.
(...)
Le séjour de Ranavalo en France sera de deux mois ; un mois à Paris et un mois à Arcachon, dont la station lui a été recommandée pour sa santé.
Ranavalo est partie le lendemain matin pour Paris par le rapide de neuf heures.
C'est probablement en juillet, qu'elle viendra à Arcachon ; on dit à la villa Peppa.

(Avenir d'Arcachon N° 2530 du 02/06/1901

1901 : Viendra

La Reine Ranavalo - Le journal de M. le Maire l'Oignon réactionnaire, dit en première page : " Que c'est aux actives démarches de M. Veyrier-Montagnères, que nous devrons la villégiature à Arcachon, de S. M. la reine Ranavalo. "
On lit dans la même feuille en deuxième page : " Le séjour de Ranavalo en France sera de deux mois ; un mois à Paris et un mois à Arcachon, dont la station lui a été recommandée pour sa santé. "
C'est à n'y rien comprendre.
Est-ce à M. Veyrier-Montagnères, est-ce au climat que nous devrons la visite de Ranavalo ?
Le journal est inexplicable dans ces contradictions. A défaut de Ministre, la reine vient-elle pour sa santé ou pour M. Veyrier-Montagnères ?
L'explication suivante nous paraît plus plausible.
" Chaque fois qu'on lui parlait de la France, l'ex-reine de Madagascar manifestait un très vif désir de connaître notre station, la raison en est curieuse.
En 1896, Mlle Roumagnac fit jouer, au Grand-Théâtre, au profit de la Société de patronage des écoles laïques, une pièce intitulée : Ranavalo à Arcachon.
Le succès de cette représentation eut un retentissement considérable ; les journaux de la région en publièrent des comptes-rendus très élogieux.
Or, des commerçants de Madagascar, en rapport avec des maisons de Bordeaux et recevant les journaux de cette ville, communiquèrent les numéros en question à des dignitaires de la Cour.
Traduction en fut faite à Ranavalo qui prit pour une imposante manifestation de sympathie populaire la pièce due à l'imagination ardente de l'intelligente et sympathique directrice de l'école Engrémy. "
Et voilà pourquoi l'on pourra chanter : " Ranavalo est parmi nous ! "

(Avenir d'Arcachon N° 2531 du 09/06/1901)

La reine Ranavalo - Quand la petite reine Ranavalo aura été bien fêtée par les Parisiens, elle viendra à Arcachon.
Que dis-je à Arcachon ? On prétend que M. Veyrier-Montagnères a fait des démarches pour qu'elle vienne à Moulleau : on nomme même la villa de Moulleau où elle doit descendre : une villa louée depuis plus d'un mois déjà à locataire inconnu ; la villa Alba peut-être ; et ce locataire inconnu ne serait autre que l'ex-reine de Madagascar.
Tu parles ! si ce serait de bonne réclame pour Moulleau.
La villégiature royale s'effectuerait en juillet, alors que nous serons dans le feu des élections pour le Conseil d'arrondissement.
Ce sera toujours une chance qu'elle fasse élection de domicile chez nous. Cela peut accroître le nombre de nos visiteurs, ne serait-ce que des reporters, qui feront gémir le télégraphe, pour tenir Paris au courant, des moindres faits et gestes de Sa Majesté malgache.

(Avenir d'Arcachon N° 2533 du 23/06/1901)

La Reine Ranavalo - Le 22 juin, un journal du matin, annonce gravement qu'un sportsman des plus connus, membre du Parlement, possesseur d'une grosse fortune et veuf depuis quelque temps, a, hier, fait demander officiellement sa main à Ranavalo, ex-reine de Madagascar.
Nous attendrons pour y croire que la nouvelle soit confirmée. Dans tous les cas mariée ou pas, nous souhaitons que sa majesté malgache nous honore de sa visite cet été, comme l'ont annoncé tous les journaux de Paris et de la Province.
(…)
On lisait dans la Petite Gironde du 28 juin :
" Nous apprenons de source officieuse que la reine Ranavalo, accompagnée de sa suite, partira pour Arcachon dimanche prochain. Elle descendra, dans cette ville, au Grand-Hôtel, où un appartement serait retenu à son intention par les soins du gouvernement. "
- En effet, c'est dimanche 30 juin qu'arrivera la reine Ranavalo.
L'appartement retenu au Grand-Hôtel est celui du second dans l'aile Est, qui donne d'un côté sur le Bassin d'Arcachon, des fenêtres on aperçoit Arès et toute la côte jusqu'à Gujan-Mestras ; de l'autre côté sur la ville d'été, dont le panorama se déroule adossé à la forêt de pins, qui sert de cedre verdoyant au tableau, où émergent le Casino Mauresque, le Belvédère, l'Eglise Notre-Dame.
La série de ces appartements est desservie d'un côté par un vestibule spacieux, éclairé par de grandes fenêtres ; de l'autre, garnie de balcons devant toutes les pièces, qui toutes ainsi communiquent sans se commander.
La chambre de la reine ouvre d'un côté sur un très vaste salon ; de l'autre, sur une autre chambre destinée à la petite princesse Marie-louise et à sa gouvernante, Mme Delpeux.
Ensuite de celle-ci, vient la chambre de la tante de la reine, la princesse Ramassinraza.
Toute l'aile Est est ainsi occupée ; et le vestibule dont nous parlions tout à l'heure se prolongeant dans le corps principal du Grand-Hôtel, dessert les chambres de la suite de la reine.
Une pièce est affectée à M. Lemaire, fonctionnaire du gouvernement, qui accompagne la reine ; une autre au docteur Ranaïvo interprète.
Viennent ensuite les chambres du personnel, une pour femme de chambre, l'autre pour valet de chambre.
Nous n'avons plus qu'à former les vœux les plus ardents pour que la reine Ranavalo emporte un aussi excellent souvenir d'Arcachon, que les personnages célèbres qui, à diverses époques, ont honoré de leur visite notre élégante station.

(Avenir d'Arcachon N° 2534 du 30/06/1901

La reine Ranavalo à ArcachonLa nièce de la reine

 
1901 : Elle est là

Avant de quitter paris, la reine Ranavalo a été reçue par M. et Mme Loubet.
Elle est arrivée dimanche 30 juin à Bordeaux, gare St-Jean, par l'express de sept heures quatre du matin.
Ranavalo est descendue au Terminus où elle a pris un léger repas ; puis, à sept heures cinquante-sept, elle est remontée ne wagon et est partie pour Arcachon avec sa suite.
Quelques curieux étaient sur le quai. Aucun incident ne s'est produit.
Par l'express de 9 heures 12, elle est entrée en gare d'Arcachon, accompagnée de sa tante, la princesse Ramassinraza, de la petite princesse Marie-Louise, de Mme Delpeux, gouvernante ; du docteur Ranaïvo, interprète, et de M. le lieutenant Bruyère, envoyé du gouvernement.
Sur le quai de la gare se tiennent le maréchal des logis et sa brigade, M. le Commissaire de police et ses agents, M. Ferras, directeur du Grand-Hôtel ; les membres de la presse locale et une assistance assez nombreuse.
A la descente du wagon, la reine, qui porte un manteau de voyage couleur beige, un chapeau mousquetaire à plumes noires, prend le bras du lieutenant Bruyère. La petite princesse Marie-Louise, nu-tête, sourit à la foule, à l'air très éveillé, et nullement effrayée par l'orage qui vient d'éclater avec pluie abondante. Elle donne la main à Mme Delpeux.
Pour gagner la cour de la gare, la reine traverse une foule nombreuse ; on se découvre, elle rend les saluts par une inclinaison de tête. Le docteur Ranaïvo donne le bras à la princesse Ramassinraza.
La reine monte dans le premier Landau avec les autres dames. M. le Commissaire de police monte sur le siège. Dans le deuxième landau prennent place M. le docteur Ranaïvo, M. le lieutenant Bruyère et M. Ferras.
Les voitures se rendent au Grand-Hôtel, où les appartements ont été retenus depuis l'avant-veille.

Grand-HôtelCet appartement est celui du second, dans l'aile Est, qui donne sur le bassin.
L'aspect de la reine est intelligent et même heureux ; sa physionomie indique qu'elle a conscience d'une certaine grandeur, son attitude et ses allures sont plutôt distinguées ; ses regards sont vifs, sa démarche est fière et ne manque pas de grâce.
Dans l'après-midi de dimanche, Ranavalo n'est pas sortie ; le temps était d'ailleurs très incertain. A deux heures, elle a demandé une tasse de thé ; à quatre heures, elle a reçu la visite du maire.

Lundi matin elle a reçu la visite du docteur Bourdier, recommandé sans doute par M. Veyrier-Montagnères ; dans la journée, la visite de la Comtesse du Bouzet.
Ranavalo et les cinq personnes qui l'accompagnent, déjeunent dans le grand restaurant vitré de l'aile Est du Grand-Hôtel ; elle voit de là les deux steam-yachts Sita à M. Leverd et Wild-Wave à M. de Georges.
Après déjeuner, elle joue quelquefois au billard.

Lundi, à 3 heures et demie, la reine et sa suite sont sortis en landau et en victoria, visiter le Casino, l'hôtel Continental en forêt, et la ville d'Hiver.
Grand Hotel du MoulleauMardi, la reine Ranavalo est allée prendre le thé à 3 heures de l'après-midi, au Grand-Hôtel de Moulleau. Ses promenades en voiture (et toujours accompagnée de M. le lieutenant Bruyère délégué du Ministre des colonies), durent une heure environ. D'ailleurs le temps, coupé d'ondées continuelles, est loin d'être agréable ces jours-ci. La petite princesse Marie-Louise est sortie avec Mme la Comtesse du Bouzet et sa fillette. Mme du Bouzet, qui avait connu Ranavalo à Alger, est autorisée à la voir, et lui avait envoyé, dès son arrivée, une belle gerbe de fleurs.
Le soir, après dîner, au grand-Hôtel d'Arcachon, l'Union Orphéonique dirigée par M. Chavan a chanté dans le Hall central de 9 à 10 heures : La Voix des Sapins de Paliard ; Les Pêcheurs de Rougnon ; Jalouse nuit, chanson du duc de Guise transcrite par Laurent de Rillé ; et Hymne à la nuit d'après Rameau, par L. de Rillé.
Ranavalo qui est musicienne et a un piano dans ses appartements, a applaudi ces quatre morceaux et remercie en français qu'elle parle très suffisamment. Sa tante Ramassinraza ne parle que malgache. La petite Marie-louise s'exprime très bien en français, mais tutoie toujours en parlant.
M. le lieutenant Bruyère assistait à cette audition musicale.
A dix heures, Ranavalo est remontée dans ses appartements.

Jeudi la reine a fait à pied de 10 heures à midi, une promenade sur la plage. Toujours gaie et souriante, elle aime beaucoup ces sorties pendant lesquelles elle se prête complaisamment aux indiscrétions des amateurs photographes.
Pour la première fois ici, elle a fait une promenade sur mer, à bord de la tillole Anne-Marie, patron Louis Beaupuy, matelot Duvaché.
Partie à trois heures avec sa suite, elle a visité le port de La Teste, est allée jusqu'à la place où se trouve la statue Jean Hameau. La population lui a témoigné des sentiments de respect que sa bonne grâce et son air affable ont toujours provoqué sur son passage.
Elle est rentrée à 6 heures au Grand-Hôtel, enchantée de son excursion.
(…)

(Avenir d'Arcachon N° 2535 du 07/07/1901)

La Reine Ranavalo - Le vendredi 5 juillet, la reine Ranavalo a fait, à pied, une promenade sur la plage de dix heures à midi. Habituée aux curiosités de la foule, elle prend part, avec beaucoup de naturel, à tous les petits jeux de la plage.
A trois heures, à bord de sa tillole attitrée, Anne-Marie, elle est allée visiter les parcs aux huîtres, où elle s'est fait expliquer la série de travaux que comporte l'industrie ostréicole. Les costumes des parqueuses très originaux et souvent très gentiment portés, l'ont beaucoup amusée.

Ces promenades journalières, soit en voiture, soit en bateau, semblent bien remplir le but qu'elle s'était proposé, de se reposer des fatigues de la capitale.
Dans toutes ses soirées, la princesse sa tante, le lieutenant Bruyère, et le docteur Ranaïvo, interprète, l'accompagnent. D'un aspect d'abord un peu froid, la princesse Ramassinraza sait, par la justesse de ses réflexions et un grand fond de bonté, conquérir l'estime de tout l'entourage de la Reine.
- Samedi matin, promenade sur la plage. Comme une dame braquait son objectif, la reine souriante lui dit : " Ah ! je vois que vous voulez me photographier ; alors je ne bouge plus ! " On n'est pas plus aimable.
A deux heures, le Maire est venu avec le steam-yacht Pi-Ouit de M. Picon, offrir à la Reine une promenade sur l'eau, lui faire visiter le Phare et le Cap-Ferret ; un lunch a été servi à bord.
A 6 heures, retour au Grand-Hôtel.

Ces jours-ci, la jeune princesse Marie-Louise a fait connaissance, au Grand-Hôtel, d'un petit ami, M. Henri H… de Montpellier. Elle s'amuse beaucoup avec lui et dit qu'elle ne veut plus le quitter.
Tous les jours, depuis samedi, la Reine et sa suite prennent leur bain dès 7 heures du matin.

Dimanche matin à 10 heures, Ranavalo est allée au temple protestant. Elle portait une très jolie toilette de satin noir, grand chapeau à plumes noires. Elle a été introduite au temple par M. Audap, vice-consul d'Angleterre.
Revenue déjeuner au grand-Hôtel, elle a joué ensuite une partie de dominos avec le jeune du Bouzet.
A deux heures, M. le maire est venu l'accompagner dans une visite à bord du Lysistrata, le lieutenant Bruyère était en uniforme.
Elle a été très gracieusement accueillie par M. Gordon-Benett qui lui a offert le bras, a fait servir un lunch, et après la visite l'a reconduite lui-même à terre.
Toujours accompagnée du maire, elle est allée visiter l'aquarium où elle a été reçue par M. le docteur Lalesque, président de la Société Scientifique. Des explications lui ont été fournies sur le musée par le docteur Sellier.

Ranavalo à l'aquarium

A sa sortie une foule considérable entourait la voiture. Le public saluait avec déférence.
A 4 heures et demie, Ranavalo prenait le thé à la villa Sélika, chez la comtesse du Bouzet et rentrait à 5 heures au Grand-Hôtel.
Le soir après dîner, elle a fait sa traditionnelle partie de dominos avec M. le lieutenant Bruyère et le docteur Ranaïvo.

Lundi matin à 10 heures, elle a reçu la visite de M. le général Bourdillon, visite qui a duré vingt minutes ; la conversation a roulé sur les charmes d'Arcachon au point de vue climatérique et pittoresque de la station balnéaire.

Mardi soir à 9 heures, dans le Hall du Grand-Hôtel, brillant concert auquel assistait la reine Ranavalo en jolie toilette de damas blanc relevé de dentelles, M. le lieutenant Bruyère, la princesse Ramassinraza, le docteur Ranaïvo, et dans une assistance de plus de cent personnes : familles de Gères, Léopold Escarraguel, Chabanneau, Tabuteau des Touches, Dignac de La Teste, baronne de Montalent, docteur et Mme Sémiac, marquise de St-Aulaire, docteur Pouys, Mme de St-Martin, M. et Mme Haguenot, M. de Koutousoff, Mme Zarifiopoulo, etc.
On a applaudi des meilleurs artistes de la station : Mlle Brianne qui a chanté Fabliau, de Paladilhe ; Un chagrin, d'Estainville, avec M. Ducaud-labadie ; le duo d'Hamlet, d'A. Thomas ; le duo de Thaïs, de Massenet, et avec Mme Blot, le duo de La Vierge, de Massenet. Mlle Blot a joué avec charme un morceau de mandoline. M. Ducaud a chanté : Pauvres fous, de Tagliafico ; l'air de Vulcain dans " Philémon et Beaucis " de Gounot ; le Bon Gîte de Déroulède. Mme Blot a chanté : Je suis à toi, de Gounot ; Sérénade, de Thomé ; Chagrin d'amour, de Martini ; Jérusalem, de Gounot. Accompagnement par M. Chavan et Mme Dasté.
Ce concert vocal et instrumental a pris fin à onze heures.

(Avenir d'Arcachon N° 2536 du 14/07/1901)

Il y a quelques jours, à bord du joli steam-yacht l'Oasis, la reine Ranavalo a fait une promenade sur le bassin, et s'est rendue à la villa Algérienne dont le propriétaire, M. Léon Lesca, lui a fait les honneurs, avec sa distinction et son affabilité habituelles.

OasisVilla algérienne

(Avenir d'Arcachon N° 2537 du 21/07/1901)

Dimanche 21 juillet, la Reine Ranavalo est allée en bateau faire le tour de l'Ile aux Oiseaux.
Lundi, l'ex-reine de Madagascar abandonnant pour un jour sa villégiature d'Arcachon, est allé visiter Bordeaux. A dix heures, le matin, une dépêche émanant du Grand-Hôtel d'Arcachon disait au restaurant du Capon-Fin d'envoyer à la gare St-Jean un landau, bon et confortable, au train qui arrive à onze heures trente-deux, puis de retenir une table de six couverts.

Après un excellent déjeuner, la reine et sa suite ont parcouru Bordeaux en voiture.
C'est d'abord le Grand-Théâtre qui a été visité ; puis les Quinconces, le Jardin-Public, la place Gambetta, la Cathédrale, le Pont, les Quais, etc.
Promenade que la reine a trouvée très agréable, d'autant plus qu'elle a pu l'effectuer dans l'incognito désiré. Elle est repartie pour Arcachon à cinq heures quinze par le rapide 69.

L'AlmaMardi Ranavalo a été déjeuner chez Mme la maréchale de Saint-Arnaud.
Parmi les convives : M. le Maire, comte et comtesse de Lestrange, docteur et Mme Bonnal, etc. Dans l'après-midi, elle a assisté au concert quotidien donné par l'orchestre du Casino au Grand-Hôtel.

Mercredi, veille du jour où prend fin sa villégiature à Arcachon, elle a distribué quelques photographies aux personnes qui lui ont été le plus sympathiques ; telles M. et Mme Léon Lesca, M. le général Bourdillon, Mme la comtesse du Bouzet, Mme Landru, Mme Ferras et à plusieurs dames du Grand-Hôtel. Ces photographies sont signées par elle : Ranavalona.

L'ex-souveraine avait demandé que la pièce dont elle faisait l'objet et qui fut jouée en 1896, au Grand-Théâtre, par l'école maternelle Engrémy. Le manuscrit n'existant plus, on lui en avait remis une analyse qu'elle s'est fait lire plusieurs fois, d'abord en français, puis en malgache pour en mieux pénétrer le sens. Certaine scènes l'ont beaucoup amusée ; les vers de la fin l'ont même touchée. De vive voix, elle a chaleureusement remercié l'auteur, Mlle Roumagnac, et lui a offert son portrait, au bas duquel elle a écrit quelques lignes aimables.

Jeudi 25 juillet, par l'expresse de 5 heures 7 après-midi, la reine a quitté Arcachon où elle espère, dit-elle, revenir, car elle en emporte un excellent souvenir.
Elle était accompagnée, du Grand-Hôtel à la Gare par M. le Maire et M. le général Bourdillon.
Beaucoup de monde sur le quai de la gare et devant le wagon-salon qui porte cette mention : "Réservé jusqu'à Marseille".

A peine est-elle dans le wagon, qu'il lui est apporté une corbeille de fleurs naturelles donnée par le Grand-Hôtel, et aussi des gerbes et bouquets de fleurs offerts par des dames. Le train s'ébranle, la foule se découvre, on crie : " Vive la reine ! " . Celle-ci répond : " Au revoir ! "

Ranavalo se rend à Marseille où elle passera deux jours. Jusque là seulement elle est accompagné par MM. le lieutenant Bruyères et le docteur Ranaïvo, interprète, qui la quitteront à Marseille pour retourner à Paris, leur mission ayant pris fin.
Ranavalo s'embarquera le 28 pour Alger, où elle retourne habiter sa villa : Le Bois de Boulogne, située à Mustapha ; dans cette même province, où nous détenons un autre prisonnier illustre, Ham-Nghi, le roi de l'Annam.

(Avenir d'Arcachon N° 2538 du 28/07/1901)

Elle est partie

L'événement saillant de la saison estivale arcachonnaise, a été la visite de l'ex-reine de Madagascar. Cette dernière avait entre toutes les villes d'eaux françaises, choisi Arcachon comme séjour, pour les vacances que le Gouvernement lui offrait.
Nous nous faisons un plaisir de reproduire la poésie, qui lui fut adressée, à cette époque, pour une œuvre enfantine de l'Ecole maternelle Engrémy :

Salut, Ranavalo ! Salut gentille Reine !
Le soleil d'Arcachon, comme à Madagascar,
Fait briller sur tes traits ta Majesté sereine
Semant de diamants ta robe de brocart.

Nous aimons ta tournure et ta grâce onduleuse,
Ta noire chevelure et tes yeux noirs moqueurs,
Ton sourire d'enfant, ta taille harmonieuse,
Ton air affable et doux qui gagne tous les cœurs.

Tu trouveras chez nous la terre hospitalière,
Où toute âme grandit en pleine liberté.
Du palis somptueux et de l'humble chaumière
S'envole en chant d'amour ce cri : Fraternité !

Va ! Ne regrette rien. Sois à jamais Française !
Adopte les couleurs de notre cher drapeau.
Aime notre pays, car tout chagrin s'apaise ;
Le sceptre pour la femme est un bien lourd fardeau.

A toi, donc, les vertus qui donnent la vaillance !
Si tu veux d'heureux jours, au destin soumets-toi.
Et Reine par la grâce et par la bienveillance,
Tu verras tous les cœurs se soumettre à ta loi.

Du chaleureux accueil que l'on te fit en France
Garde, comme un joyau, le charmant souvenir.
Si notre sympathie adoucit ta souffrance,
$Sois une sœur pour nous, espère en l'avenir !

Souviens-toi quelquefois d'Arcachon la charmeuse,
Notre désir serait, nous t'en faisons l'aveu,
De te garder longtemps, aimable visiteuse,
Et de mettre en ton cœur un coin de son ciel bleu.

Une Arcachonnaise.

(Avenir d'Arcachon N° 2548 du 06/10/1901

Elle se marie

On se souvient qu'il y a trois ans, la Reine Ranavalo a passé au Grand-Hôtel d'Arcachon un mois de vacances. A ce propos nous lisons dans le Matin, n° du 26 novembre :
" Après le prince d'Annam, Ham-Nghi, de qui nous avons relaté le récent mariage avec Mlle Laloé, fille d'un magistrat de la Cour d'appel d'Alger, voici la reine Ranavalo qui va, dans quelques jours, convoler, dit-on, en justes noces. On annonce en effet qu'elle va épouser un Français, M. Garnier, avocat à la Cour d'appel d'Alger, déjà nommée. Notre sympathique " prisonnière " qui, l'année dernière, vint nous visiter au Matin, va conquérir, de ce chef, la qualité de Française.
" A cette occasion, une question immédiatement se pose : Que fera le gouvernement si le nouvel époux de sa majesté déchue, usant des droits absolus que lui confère M. le maire, voulait, en compagnie de sa femme, quitter la résidence d'Alger, assignée par décret ministériel à l'ex-reine de Madagascar ?
" Au premier coup d'œil, la question, ainsi libellée, paraît des plus compliquées. Mais, à la réflexion, il n'y a pas là matière à discussion pour nos jurisconsultes, car le cas est d'ordre purement politique, et il ne saurait en résulter le moindre litige au point de vue du droit.
" C'est, du reste, l'opinion d'un professeur de la faculté de droit, que le hasard d'une rencontre a amené à nous faire les observations suivantes :
" - Il est évident que la mesure d'ordre public prise par le gouvernement à l'égard de la reine Ranavalo ne cessera jamais de peser sur cette dernière, tant que le gouvernement lui-même ne l'aura pas rapportée. Ni par son mariage avec un citoyen français, ni par quelque autre moyen que ce soit, la reine Ranavalo ne saurait échapper aux interdictions qui la visent, pas plus que les droits acquis par un homme libre contractant mariage avec une prisonnière de droit commun ne peuvent faire tomber la contrainte qui maintient celle-ci en prison.
" Mais il est possible et même probable que le gouvernement lèvera l'interdiction qui pèse sur l'ex-reine de Madagascar, s'il estime que le caractère du mari offre une garantie suffisante pour que les éventualités, auxquelles cette interdiction prétend parer, ne soient plus à craindre. A ce point de vue même, le gouvernement n'aura-t-il pas avantage à voir sa prisonnière politique devenir Française par son mariage avec un Français ?
" Le mariage de la reine Ranavalo ne saurait donc fournir prétexte à un remaniement du code. "

(Avenir d'Arcachon N° 2713 du 04/12/1904)


   
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